Portrait de Marguerite Maeght, 1961
« Je déteste avoir à couvrir une toile. D’ailleurs c’est impossible de jamais finir vraiment quoi que ce soit » confit un jour l’artiste à l’écrivain James Lord.
Des trois portraits qu’Alberto réalise la même année de Marguerite Maeght, l’aspect inachevé de celui-ci illustre bien ce propos. Le dessin qui, selon l’artiste, est « la base de tout », suggère ici plus qu’il ne la décrit une silhouette assise de face, mains croisées sur les genoux. Le corps à peine ébauché ne tend qu’à la mise en situation spatiale de la tête, qui est en revanche très travaillée, de recouvrements et de lacis de lignes.
Alberto Giacometti (1901 - 1966)
Alberto a fait poser ma mère pour plusieurs peintures de grand format, parmi les plus grandes de son œuvre. Alberto, comme la plupart des artistes de la galerie, adorait Guiguite, il aimait son humour, pourtant quelque fois féroce, son intelligence, sa vivacité d’esprit, son jugement acerbe, son énergie, son côté réaliste, son sens de la convivialité, son regard malicieux et, bien sûr… sa cuisine. Elle pouvait se permettre avec Alberto ce que d’autres n’auraient jamais osé. Un jour, pour un vernissage Giacometti, ma mère me demande d’aller acheter une veste à Alberto. D’abord, il ronchonne, puis il finit par m’accompagner choisir un costume. Le soir de son vernissage Alberto arrive à la galerie avec son habit neuf mais qui est couvert de plâtre. Dans un certain sens, il avait voulu faire plaisir à Guiguite, tout en montrant son indépendance. Il y avait là un côté amusant qui a fait sourire ma mère… Les portraits qu’Alberto Giacometti a réalisés de ma mère sont très troublants. Ils sont même dérangeants car, alors qu’ils ont été peints en 1961, le visage de ma mère est celui qu’elle avait le jour de sa mort en 1977, c’est toute son âme qui est représentée. Giacometti n’a-t-il pas réussi là ce qu’il cherchait constamment, faire un visage vivant ? Adrien Maeght