Matérialités
Impressionné par le rendu des œuvres de Fautrier, Jean Dubuffet invente à son tour un langage pictural propre, basé notamment sur des matériaux pauvres qui donnent vie à des sculptures en mâchefer comme Savonarole ou à des paysages réalisés avec des feuilles mortes. Antoni Tàpies combine l’huile avec des enduits sableux et de marbre pour donner corps à ses œuvres qu’il griffe, incise ou lacère dans un second temps, créant une « poétique de la matière ».
Le Français Georges Noël partage toutefois l’intérêt pour le sable avec ses collègues matiéristes, qu’il combine avec de la colle et des pigments pour obtenir des effets de matière singuliers. Sur cette surface brute et granuleuse qu’il travaille pour la rendre plus ou moins lisse et régulière, il inscrit son propre vocabulaire fait de signes primitifs. Après le façonnage rugueux de « ses hautes pâtes écrasées, arrachées ou battues », Léon Zack n’abandonne pas la peinture à l’huile pour autant, qu’il travaille de manière nouvelle. « Cette matière remuée, triturée, flagellée, étalée au couteau ou au chiffon, arrachée en rugosité ou effleurée par une brosse […] » est au cœur de ses recherches.
Au moment de ses premiers empaquetages d’objets, Christo s’intéresse encore à la matérialité de la peinture, créant des mélanges d’huile, de craie, de pigments et de terre à la fin des années 1950, parallèlement au développement de ses Surfaces d’empaquetage et de ses Cratères. De ces textures terreuses émergent des paysages oniriques, proches de ceux de Dubuffet. Arman, qui signe le Manifeste des Nouveaux Réalistes en octobre 1960 avant que Christo ne les rejoigne quelques temps plus tard, propose encore, lui aussi, des œuvres abstraites qui jouent davantage sur la projection de la matière que ses grandes œuvres sur papier marouflées sur toile réalisées un peu plus tôt qui conservent la trace de l’objet.
D’autres artistes, quant à eux, remettent en question le rapport à la matérialité de la toile elle-même. C’est le cas notamment de l’Américain Conrad Marca-Relli qui découpe des formes dans des rouleaux de toile avant de les coller et de les peindre pour ses « peintures collages », technique que reprendront en partie les membres du groupe Supports/Surfaces.
Collection Fondation Gandur pour l'Art
Pour plus d’information : un catalogue a été publié à l’occasion de l’exposition Au cœur de l’abstraction. Collection Fondation Gandur pour l’Art
Edition : Fondation Maeght
Préfaces : Adrien Maeght et Jean Claude Gandur
Textes : Yan Schubert et Lucie Pfeiffer
Reproductions couleurs de toutes les œuvres
184 pages